Introduction : Le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie est une préoccupation majeure. L’aidant d’une personne âgée à un rôle crucial pour favoriser ce maintien à domicile. Les dispositifs de coordination peuvent être un outil dans cette prise en charge. L’objectif de cette étude est d’explorer le ressenti des aidants de personnes âgées dépendantes prises en charge par des dispositifs de coordination du maintien à domicile.
Méthode : Étude qualitative par des entretiens semi-dirigés d’aidants de personnes âgées en perte d’autonomie prises en charge par des dispositifs de coordination.
Résultats : 12 aidants ont été interviewés. Plusieurs thèmes ont été abordés sur la base de la question de recherche : la place qu’occupait ce rôle singulier dans leur vie personnelle (motivations, impacts et difficultés ressenties), le rôle du dispositif de coordination avec une fonction ressource principale et le rôle de coordination des acteurs, dont le médecin traitant qui occupe une place toute particulière. Le dispositif semblait avoir des conséquences directes (par son intervention) et indirectes (par la mise en œuvre des actions proposées) et restait cependant perfectible aux yeux des aidants.
Conclusion : Le dispositif de coordination semble être une ressource vécue comme positive par les aidants, mais ne semble pas réduire la charge que les aidants s’imposent au quotidien dans le maintien à domicile des patients. Accroître la communication du dispositif à destination des professionnels et des usagers serait bénéfique du point de vue des aidants.
Aidant, Coordination des soins, Dispositif de coordination, Maintien à domicile, Personne âgée dépendante
Charlotte SERVANT1, Benoît SOULIÉ2, Arnaud PHILIPPE3, Thierry GANDON4
- Médecin coordinateur de la Coordination Territoriale d’Appui, GCS Axanté, 3 rue François-Coulet, 14400 Bayeux, France.
- Médecin généraliste et maître de stage des universités, 8 rue des Cerisiers, 14210 Évrecy, France.
- Médecin généraliste et maître de stage des universités, 8 rue des Cerisiers, 14210 Évrecy, France.
- Directeur médical du GCS Axanté, 3 rue François-Coulet, 14400 Bayeux, France
Introduction: Enabling elderly people suffering from a loss of autonomy to stay at home is a major concern. The caregiver of an elderly person has a crucial role to play in promoting home support. Coordination networks can be a tool in this process. The aim of this study is to explore the personal experience of caregivers of dependent elderly relatives who are cared for by home care coordination networks.
Method: A qualitative study using semi-directed interviews of caregivers of dependent elderly relatives cared for by a coordination network.
Results: 12 caregivers have been interviewed. Several themes have been discussed on basis of the research question: the place that this singular role occupied in their personal life (motivations, impacts and difficulties experienced), the role of the coordination network with a main resource function and the coordination role of the actors, including the general practitioner who occupies a very special place. The coordination network seemed to have direct consequences (by its intervention), and indirect ones (through the implementation of the proposed actions) and could still be perfectible in the eyes of the caregivers.
Conclusion: The coordination system seems to be a positive resource for caregivers, but it does not seem to reduce the burden that caregivers place on themselves on a daily basis to maintain the patient at home. Increasing the network’s communication towards both professionals and users would be beneficial from the caregivers’ perspective.
Care coordination, Caregiver, Coordination network, Dependent elderly people, Home support
En 2015, 2,5 millions de personnes de plus de 60 ans sont en perte d’autonomie et les projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) estiment que ce nombre passerait à 4 millions d’ici à 2050(1). Dans ce contexte, le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie est une préoccupation majeure, l’aidant jouant un rôle crucial pour favoriser ce maintien à domicile. Si le ressenti des aidants de personnes âgées dépendantes a déjà fait l’objet de plusieurs études(2-5), et que les dispositifs de coordination semblent être un outil indispensable pour l’aide au maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie(4), aucune étude ne s’est intéressée au vécu des aidants de personnes âgées prises en charge par les nouveaux dispositifs d’aide à la coordination tels que l’expérimentation Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA) ou les Plateformes territoriales d’appui (PTA), dispositifs dont le rôle est d’accompagner les aidants et les professionnels en proposant un appui à la coordination avec une spécificité pour le dispositif PAERPA, qui cible les personnes âgées. Ces dispositifs vont être amenés à fusionner en Dispositif d’aide à la coordination (DAC). L’objectif de cette étude était d’explorer le ressenti des aidants de personnes âgées dépendantes prises en charge par ces dispositifs de coordination au sein d’un territoire de santé normand qui avait participé à l’expérimentation PAERPA.
Il s’agit d’une étude qualitative par induction généralisée thématique à visée descriptive, réalisée entre novembre 2019 et janvier 2020. Des entretiens semi-dirigés ont été menés à l’aide d’un guide d’entretien par un même investigateur auprès d’aidants non professionnels de personnes âgées dépendantes. Ces personnes âgées devaient résider sur le territoire Bessin- Caen Ouest-Prébocage situé dans le Calvados et être prises en charge par l’expérimentation PAERPA ou la PTA de ce territoire. L’échantillonnage s’est fait de manière raisonnée en variation maximale à partir de critères d’âge, de profession, de lieu de résidence de la personne dépendante et de distance entre le lieu d’habitation de l’aidant et de la personne dépendante. Ce recrutement s’est fait jusqu’à atteindre une saturation des données ressentie par l’investigateur. Les entretiens ont été enregistrés sur dictaphone et les verbatim des entretiens, une fois retranscrits, ont été anonymisés. Un étiquetage des unités de sens a été réalisé dans un premier temps au fil des entretiens, puis une analyse en sous-thèmes et en thèmes a été réalisée dans un second temps. Une seconde analyse a été réalisée par un deuxième investigateur pour réaliser une triangulation afin d’optimiser le choix des unités de sens, des sous-thèmes et des thèmes et de trouver un consensus sur des points potentiellement litigieux. Ce projet a été validé par le Comité local d’éthique de la recherche en santé (CLERS) de l’université de Caen.
Les résultats de ce travail sont basés sur 12 entretiens réalisés auprès de 9 femmes et 3 hommes, âgés de 37 à 76 ans. La durée de ces entretiens était comprise entre 20 et 74 minutes (Tableau 1).
Tableau 1 : Critères de variation des participants et durée des entretiens. Table1 : Participant variation criteria and interview duration
Les motivations de l’aidant
Dans les entretiens réalisés, les motivations principales des aidants à jouer ce rôle sont d’abord affectives pour certains aidants : « c’était une mère poule, on était très proches » (E3). Pour d’autres, c’est un sentiment de devoir qui les anime : « On passe d’enfant à responsable » (E5).
Un rôle qui a des impacts sur la vie de l’aidant Ce rôle d’aidant a des impacts multiples dans sa vie personnelle. Cela a des conséquences sur son quotidien : « c’est du temps à consacrer » (E2). Cela peut avoir des impacts sur sa santé : « on s’oublie complètement. Et c’est comme ça que j’ai raté ma mammographie » (E11). Être aidant peut également entraîner des impacts sur sa vie professionnelle : « c’est au détriment de mon travail à moi. Donc, je baisse un peu mon travail à la ferme, pour faire un peu plus dans le quotidien » (E5). Nous observons aussi une incidence sur les loisirs : « on fait plus les restos le soir, c’est quasi jamais. Le cinéma, c’est jamais » (E7). Enfin, cela peut avoir des impacts dans sa vie relationnelle avec la personne qu’il aide : « je suis comme son infirmier personnel. Donc, c’est plus près, la relation, forcément » (E5). Son entourage lui témoigne son inquiétude : « mon mari, lui aussi il dit : c’est toi qui vas finir par y laisser ta santé » (E12). Parfois les relations sociales pâtissent de ce rôle d’aidant : « Je trouve qu’ils me… ils me tournent le dos. Je suis plus intéressante, parce que j’ai G. comme un boulot » (E4).
Le rôle d’aidant vécu comme une charge au quotidien
Son rôle d’aidant peut être source de difficultés au quotidien, notamment dans l’intendance : « tout ce qui est côté paperasse, moi j’ai été débordée » (E11). Ce rôle peut représenter une charge financière non négligeable : « j’en avais pratiquement pour cent euros tous les six jours de taxi quand même » (E3). Les troubles cognitifs de la personne qu’il aide sont compliqués à gérer pour l’aidant : « ah oui, moi le voir comme ça… (Pleurs) Pas facile » (E4). Cela peut altérer la relation proche-aidant : « Donc la communication, déjà, peut plus être la même puisqu’elle se rappelle plus des choses… » (E3). D’autre part, l’aidant se sent parfois ignorant concernant les aides existantes : « parce qu’avant, j’étais, je connaissais rien, moi, rien du tout à ça. Rien, rien. J’étais imperturbable, je voulais pas savoir » (E5). L’aidant se montre actif dans la recherche d’informations : « Je me suis renseignée auprès du CLIC » (E4). Ces difficultés participent à l’augmentation de la charge mentale de l’aidant : « en tant qu’aidante il est vrai qu’il y a des moments où je pourrais perdre pied parce que je suis fatiguée, pas physiquement mais globalement, vous voyez » (E7).
Un dispositif perçu comme une aide
Le dispositif de coordination est perçu comme une ressource pour l’aidant grâce à sa disponibilité et son professionnalisme : « C’est ça qui est vraiment positif, c’est de pouvoir trouver des personnes qui sont à l’écoute, et qui réfléchissent avec nous, et qui nous apportent des éclairages professionnels » (E9). Le dispositif permet la coordination des acteurs du maintien à domicile d’après certains aidants : « oui, il y a eu des échanges. Je l’ai su. Mme C. a fait le nécessaire auprès du Docteur B. Mais même auprès de tout le monde, du cabinet d’infirmières, du kiné » (E5). Cette coordination a également été soulignée avec l’hôpital de proximité : « quand on dit qu’il est suivi par le PAERPA, les professionnels de santé à l’hôpital sont sensibilisés à la question. Donc du coup, ça simplifie les choses » (E9).
Un lien entre professionnels parfois mal compris
Pour d’autres aidants, cette coordination entre professionnels est floue : « je pense que le cabinet d’infirmières, quand il y a besoin, elles appellent le docteur, mais moi je l’appelle juste quand il y a besoin, c’est tout » (E7).
Un vécu disparate concernant la place du médecin traitant
Le médecin traitant occupe une place particulière dans la prise en charge. Son rôle est vécu différemment selon les aidants interrogés. Pour certains, il a un rôle favorable : « le Docteur B., c’est quelqu’un qui est très à l’écoute. […]. Et quand on avait besoin, on l’appelait, elle faisait le nécessaire ». Pour d’autres aidants, il est absent de cette prise en charge : « Je sais que maintenant, ce n’est plus possible, je ne lui demanderai rien, au médecin traitant, c’est absolument impossible » (E9).
Des impacts directs du dispositif dans la prise en charge de l’aidant
Par son implication dans la prise en charge, le dispositif a de multiples retentissements. Il apporte un soutien à certains aidants : « c’est d’un confort, attendez, c’est inimaginable » (E11). Son aide dans les démarches administratives est appréciée par certains : « elles m’enlèvent aussi une épine du pied pour tout ce qu’est paperasse aussi » (E4). Tandis que d’autres aidants ne perçoivent pas de changement depuis la prise en charge par le dispositif : « ça a pas changé beaucoup. […] Non… Parce que le dispositif, il n’y a rien eu de vraiment plus, quoi » (E10). Certains aidants notent un bénéfice pour leur proche, car le dispositif respecte leur projet de vie : « C’est ce qu’il y a de mieux, parce que dans leur environnement – là, papa, dans son environnement, bon, il est plus serein que s’il entrait en EHPAD. On sait qu’en EHPAD, ça serait compliqué » (E9). Pour d’autres aidants, l’avis de leur proche était plus mitigé : « pas très bien au départ, parce que… On la fatiguait avec… […] quelqu’un venait faire sa toilette une demi-heure et après elle avait N. qui venait une demi-heure et puis le soir quelqu’un venait la faire manger, puis – ça elle avait eu du mal à accepter » (E12). La relation proche-aidant est également impactée par le dispositif : « ça a permis d’apaiser un petit peu le relationnel » (E2). Bien qu’initialement, le dispositif peut être source de conflit initial : « Bon, il a fallu se batailler dur pour – donc c’était un peu compliqué quoi » (E2). Un aidant a exprimé la place qu’avait apporté le dispositif dans l’équilibre du cercle familial : « parce que ça me permet de garder ma place de fille […] j’ai quand même constaté que ça permet de laisser les enfants un petit peu en retrait par rapport à certaines problématiques » (E9). L’entourage de certains aidants semble favorable à l’intervention du dispositif : « Quand il a su qu’il y avait l’assistante sociale qui venait, il m’a dit “c’est une très bonne chose” » (E6).
D’autres impacts, indirects, vécus de manière nuancée et ne faisant pas l’unanimité
Le dispositif entraîne également des impacts dans la mise en oeuvre des actions proposées pour la personne âgée (instauration d’auxiliaires de vie à domicile, accueil de jour). Cela semble permettre un allègement des tâches quotidiennes de l’aidant : « ça a été un soulagement parce qu’on n’avait pas tous ses soins à faire » (E7). Cela a pour conséquence un moindre impact sur la vie personnelle de certains aidants : « Ça nous permet de faire pour qu’on lâche prise un peu. […] Parce qu’autrement on peut pas, c’est pas possible » (E12). Ce qui entraîne un soulagement moral chez certains aidants : « oui, c’est un soulagement c’est sûr. C’est obligé, hein, de toute façon, puisque sans eux – c’est une bouée de secours, faut être honnête » (E3). Cependant, ce soulagement est contrebalancé par l’existence de contraintes organisationnelles occasionnées, en termes d’impératifs horaires : « c’est le fait de pas pouvoir vivre à son rythme qui me gêne » (E3) ; et des changements d’intervenants : « ça peut être deux ou trois jours la même personne, et puis par exemple trois jours trois personnes différentes, ça dépend » (E1). C’est pourquoi, une vigilance permanente demeure chez certains aidants : « pour le travail, ça a soulagé un petit peu, mais pas des masses, hein. Non, parce que le souci est toujours là, quand une personne n’est pas autonome, pratiquement handicapée, vous avez le souci en permanence » (E5).
Un dispositif qui mériterait de progresser
Le dispositif est perfectible selon les aidants. Ils suggèrent d’accroître les moyens financiers et humains alloués aux équipes : « allez embaucher d’autres Mme C. » (E2), « je regrette vraiment beaucoup que le gériatre ne puisse pas être suffisamment disponible pour venir voir sur place » (E9). À leurs yeux, il serait nécessaire d’intensifier la communication du dispositif auprès des usagers : « plus de communication et passer par moi » (E8), ainsi qu’auprès des professionnels du territoire : « il faudrait peut-être faire plus de publicité auprès des médecins » (E7). Enfin, un aidant souhaiterait que le dispositif cible spécifiquement l’aidant et non plus seulement au travers de la prise en charge de la personne âgée qu’il aide : « qu’on s’occupe un peu de nous. Parce que je trouve qu’on s’occupe pas – ce qu’on fait pour G., c’est pour G., c’est pas pour moi » (E4). Néanmoins, ces aidants sont conscients des problématiques financières et législatives que cela supposerait : « parce qu’aujourd’hui j’ai bien compris que c’est partout pareil (rires). […] Ça suppose des moyens… » (E9), « on mérite reconnaissance, l’État devrait mettre la main à la poche, moi je trouve. Moi je serais député, je ferais une loi pour ça, ah oui, faut y passer pour voir » (E5). Par le biais d’une approche inductive thématisée, cette étude a permis d’envisager une vision globale de l’aidant sous forme de carte mentale (Figure 1).
Trois résultats de cette étude nous semblent importants à souligner ici : l’intervention du dispositif marque un tournant dans le quotidien de l’aidant sans que cela implique une réduction de la charge mentale de celui-ci envers son proche. D’autre part, la place du médecin traitant ne semble pas consensuelle chez les différents participants interrogés dans ce travail. Enfin, les aidants apparaissent comme une force de proposition pragmatique pour optimiser l’action du dispositif.
Forces et limites
La principale force de ce travail est le choix de la méthode inductive pour explorer le ressenti des aidants obligeant l’investigateur à mettre de côté ses propres représentations de l’aide aux personnes âgées non autonomes. Si les éléments tirés de ces différents entretiens au sein de ce panel de participants sont riches et apportent une lumière nouvelle sur le ressenti des aidants, ils ne sont cependant pas généralisables à l’ensemble des aidants et mériteraient d’être évalués à plus large échelle. Il existe par ailleurs plusieurs limites que l’on nommera ici biais (même si la notion de biais en recherche qualitative est sujette à discussion) : un biais de désirabilité chez plusieurs aidants ayant déjà rencontré l’investigateur lors de visites à domicile au sein des équipes de ces dispositifs, un biais d’investigation lors de certaines reformulations qui ont pu orienter les réponses des participants, biais limité par une triangulation du codage lors de l’analyse.
Discussion des principaux résultats La charge de l’aidant et ses motivations
Un avant/après est le constat principal qui ressort de ces entretiens menés auprès des aidants concernant l’intervention du dispositif dans la prise en charge. Cette intégration dans le dispositif semble être une source de changement dans leur quotidien en diminuant l’impact de leur rôle sur leur vie personnelle, quel que soit le dispositif impliqué. Ce constat est nuancé par les propos d’un participant, qui évoque une communication qui mériterait d’être améliorée. L’implication du dispositif dans la prise en charge n’implique pas une réduction de la charge mentale de l’aidant auprès de son proche. Plusieurs explications peuvent être envisagées : un bénéfice personnel à poursuivre ce rôle d’aidant (estime de soi, relation proche-aidant), une motivation sans faille envers son proche, un désengagement de ce rôle cognitivement plus difficile à amorcer qu’un maintien du statu quo.
Des dispositifs qui impactent positivement les aidants
Les motivations des aidants interrogés dans notre étude sont celles retrouvées dans la littérature(3) et ce rôle semble avoir des impacts majeurs sur la vie personnelle de l’aidant, dont certaines difficultés qui ont également été identifiées dans une thèse réalisée en 2016(2). Les professionnels du dispositif de coordination (infirmière, assistantes sociales) impliqués dans la prise en charge sont perçus comme un interlocuteur privilégié par l’aidant(6). Dans cette même étude, l’implication du dispositif permet un soulagement moral de l’aidant, soulagement que l’on perçoit aussi dans ce travail, où certains aidants semblent mettre en avant des contraintes organisationnelles responsables d’une attention permanente de l’aidant. L’importance de la coordination avec l’hôpital de proximité lors de situations aiguës est aussi soulevée par une étude réalisée en 2018, actes de coordinations qui permettraient de rassurer le patient et son aidant en cas d’hospitalisation(7).
Le rôle majeur du médecin de premier recours
Le médecin traitant du patient semble ici avoir un rôle important dans le maintien à domicile de son patient, même si sa place ne semble pas unanime. Son rôle est vécu différemment selon les aidants interrogés et semble dépendre de la place qu’il ou elle a occupée aux prémices de la prise en charge. Certains médecins regrettent un manque de formation et une méconnaissance des ressources sanitaires et sociales du territoire(8). Sensibiliser les médecins au repérage de la perte d’autonomie et les informer des ressources existantes sur le territoire pourraient être des pistes d’amélioration. Dans une autre étude, les aidants déploraient une certaine forme de passivité des médecins envers l’aidant(2) : inciter les médecins à explorer le vécu des aidants paraît important pour les soutenir et les aider à mettre à plat les motivations qui les poussent à endosser ce rôle sociétal.
Des aidants forces de propositions
Les aidants se sont montrés force de propositions lors des entretiens. Pour accroître les moyens, la perspective d’une équipe mobile gériatrique territoriale est envisagée pour faire suite à l’expérimentation PAERPA, qui est limitée dans le temps. Pour améliorer la communication, des supports écrits pourraient être distribués afin de clarifier les rôles du dispositif pour les usagers et les professionnels de santé du territoire. Concernant leur volonté de cibler spécifiquement les aidants, il existe déjà des actions ciblant les aidants. Il pourrait être intéressant d’augmenter leur lisibilité auprès des aidants et de favoriser leur accessibilité en proximité. Enfin, l’application des annonces gouvernementales de 2019 est très attendue par certains aidants et permettrait une reconnaissance de ce statut singulier par la société.
Du rôle d’aidant au statut d’aidant
Ce travail a permis de réaliser, sur la base de l’analyse des entretiens, une « carte mentale » des différents niveaux d’implication que signifie le rôle d’aidant (Figure 1). Ces différentes dimensions permettent de mettre en évidence les potentielles charges mentale et physique que ce rôle soustend, dans la vie personnelle et professionnelle. Cette carte permet d’une part aux professionnels de premier ou second recours qui accompagnent des aidants de prendre conscience de ce qui se joue au travers de ce rôle(9). Elle permet aussi de réaliser qu’il existe un véritable « statut » de l’aidant, au-delà de son propre rôle dans l’accompagnement d’un proche, qui mériterait d’être politiquement accompagné(10).
Assumer le rôle d’aidant auprès d’une personne âgée dépendante n’est pas sans impact sur sa vie personnelle. Le dispositif de coordination est une ressource pour l’aidant grâce à la coordination des acteurs impliqués et aux impacts multiples dans la prise en charge. La place du médecin traitant est variable selon les aidants et pourrait être améliorée. Les aidants semblent montrer une absence de réduction de leur charge mentale envers leurs proches, qui mérite une vigilance des différents acteurs intervenant. Ils ont fait part de pistes d’améliorations pour optimiser les dispositifs de coordination. Les perspectives seraient la reconnaissance d’un statut de l’aidant par la société civile, statut dépassant la notion de simple rôle, notamment par l’application des mesures gouvernementales annoncées en 2019. D’autre part, la mise en place des Communautés professionnelles territoriales de Santé (CPTS), et la fusion des dispositifs de coordination existants en Dispositif d’appui à la coordination (DAC) prévue en 2022 pourraient permettre une meilleure lisibilité de l’offre sur le territoire.
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.
- Larbi K, Roy D. 4 millions de seniors seraient en perte d’autonomie en 2050. Insee Première. Juillet 2019, n° 1767.
- Rossinot H, Marquestaut O, de Stampa M. The experience of patients and family caregivers during hospital-at-home in France. BMC Health Serv Res 2019 ; 19 : 470.
- Auzanneau N, Chardron S, Lefebvre R. Motivations, vécus, aspirations des aidants accompagnant un proche. Étude OpinionWay. Août 2015. Disponible sur : https://www.espace-ethique.org/ressources/etuderapport/enquete-motivations-vecus-aspirations-des-aidants-accompagnant-un-proche
- Pinquart M, Sörensen S. Differences between caregivers and noncaregivers in psychological health and physical health: a meta-analysis. Psychol Aging 2003 ; 18 : 25067.
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